La comédienne est décédée hier à Alger des suites d’une longue maladie : Keltoum, la rébellion dans la dignité
Keltoum. Un monument de la scène artistique nationale vient de s’éteindre. Sur la pointe des pieds. Comme elle a toujours évolué depuis les années 30 sur les planches de l’ex- Opéra d’Alger, sur lesquelles elle est née comédienne, en s’imposant comme la première dame des tréteaux.
Comme dans sa vie de tous les jours d’ailleurs, discrète, effacée, qui n’en forçait pas moins et chez aucune autre, ce grand respect que tout le monde lui vouait dès qu’on la côtoyait. Naturellement, femme de caractère qu’elle était. Car, elle a pu défier sa famille, les tabous et les mentalités, en optant pour l’art, en se mesurant à ce monde qu’elle a toujours convoité et ce à l’âge de 14 ans. Elle avait l’art dans le sang. Dans les tripes. N’en déplaise aux siens qui n’ont jamais vu cet engagement d’un bon œil. A la renier ! C’est qu’elle savait cette femme, s’assumer et être responsable. Etre ferme avec cet esprit large et malléable. N’avait-elle pas cette jeune prodige du 4e art, qui a, encore enfant, subjugué comme nulle autre comédienne algérienne et étrangère et en terre d’Hexagone s’il vous plaît en ces années là, ces 20 000 spectateurs venus l’applaudir au Parc Albert Premier à Paris à la fin de 1920?
Ne savait-elle pas hausser le ton quand il le fallait pour entretenir l’autorité d’une femme à la charge de destins divergents au sein d’une même famille, d’un village, d’une société, d’un peuple, empruntés à la réalité le temps de films ou de pièces. Des rôles qui l’ont vue se transformer et transformée pour une cause, celle de l’Algérie qu’elle a portée très haut dans la troupe du FLN, afin de porter la conscience politique dans les hameaux les plus reculés du pays en proie à la spoliation, la souffrance, la colonisation, en un mot. N’est-ce pas elle qui s’est drapée sur scène de l’emblème national en défiant l’autorité coloniale ?
Qui ne se souvient donc pas de cette femme, petite par la corpulence, grande par l’âme, dans ce qu’elle a eu à interpréter dans ses rôles de mère engloutie dans toutes les épreuves, celle surtout qui la met en porte à faux avec la torture, la perte d’un être cher, la misère et l’endurance ?
PERSONNAGE PLURIEL
Ne savait-elle pas hausser le ton quand il le fallait pour entretenir l’autorité d’une femme à la charge de destins divergents au sein d’une même famille, d’un village, d’une société, d’un peuple, empruntés à la réalité le temps de films ou de pièces. Des rôles qui l’ont vue se transformer et transformée pour une cause, celle de l’Algérie qu’elle a portée très haut dans la troupe du FLN, afin de porter la conscience politique dans les hameaux les plus reculés du pays en proie à la spoliation, la souffrance, la colonisation, en un mot. N’est-ce pas elle qui s’est drapée sur scène de l’emblème national en défiant l’autorité coloniale ?
Qui ne se souvient donc pas de cette femme, petite par la corpulence, grande par l’âme, dans ce qu’elle a eu à interpréter dans ses rôles de mère engloutie dans toutes les épreuves, celle surtout qui la met en porte à faux avec la torture, la perte d’un être cher, la misère et l’endurance ?
PERSONNAGE PLURIEL
Et puis que dire de Keltoum qui, tout en étant sévère, savait se faire douce et aimante. Personnage pluriel attachant, au cinéma comme au théâtre ou à la vie. Avec ce sourire large, constant, que barrait une froissure d’un front décidé, comme en cet automne-là des années 1990, là-haut, à son 4e étage de l’avenue Pasteur où elle ne vivait plus fréquemment, déjà prise dans l’étau de la maladie.
Avec beaucoup de sollicitude, la grande Keltoum, ce qualificatif que tous lui adjoignaient à chaque évocation de cette comédienne, actrice de talent et qui lui allait naturellement comme un gant, comme une seconde nature, savait y faire en accueil. Elle décline cette invitation de parler d’elle, prenant à témoin sa grande fatigue, en brossant juste les grandes lignes de son travail titanesque, de son œuvre monumentale, dirions-nous, pour laisser le reste à l’appréciation de cette longue carrière, dans laquelle son image a brillé, avec retentissement, mais sans tintamarre. Et pourtant, pour une fois une artiste pouvait avoir cette prétention; prétendre à ces hommages qui n’ont pas plu sur elle; à toujours faire parler d’elle, sans modération.
L’association Lumières précédée par le journal Horizons, lui ont offert un moment de gratitude, long de reconnaissance, en son absence, trop malade pour se déplacer. Et dans son large appartement, en cette année-là, elle tend ces confidences avares modestement ornées d’une assiette de makrouts, pétris de ses propres mains. «Ceci est pour ne pas repartir les mains vides », s’est-elle excusée alors dans un sourire large comme ça. En s’effaçant gentiment comme dans un dernier salut de planches, elle préfère ne pas se mettre plus en avant.
Pourtant, c’est aux côtés de son compagnon de toujours Mahieddine Bachtarzi qui lui a souvent donné la réplique que cette comédienne s’est forgée d’elle-même. Volontaire et déterminée à faire constamment plus et mieux. Une dame qui a été la première sinon l’unique à monter sur les marches du prestigieux festival de Cannes aux côtés du réalisateur primé Mohamed Lakhdar Hamina qui a eu à la diriger dans «Chroniques des années de braise», c’était déjà en 1975.
«Le vent des Aurès » du même réalisateur a confirmé cette suprématie. Naturellement encore et toujours, Keltoum a bien réagi aussi dans la peau de ses personnages faits sur mesure pour elle. Que cela soit derrière la caméra que face au public. Elle a su si bien mener la cadence dans tous les drames, tragédies auxquels elle a été mêlée, qu’elle en a eu toujours le dernier mot, dans ce jeu fictif, auquel elle se prend, le donnant pour vrai. Pour réel.
LA DERNIÈRE PIÈCE
Avec beaucoup de sollicitude, la grande Keltoum, ce qualificatif que tous lui adjoignaient à chaque évocation de cette comédienne, actrice de talent et qui lui allait naturellement comme un gant, comme une seconde nature, savait y faire en accueil. Elle décline cette invitation de parler d’elle, prenant à témoin sa grande fatigue, en brossant juste les grandes lignes de son travail titanesque, de son œuvre monumentale, dirions-nous, pour laisser le reste à l’appréciation de cette longue carrière, dans laquelle son image a brillé, avec retentissement, mais sans tintamarre. Et pourtant, pour une fois une artiste pouvait avoir cette prétention; prétendre à ces hommages qui n’ont pas plu sur elle; à toujours faire parler d’elle, sans modération.
L’association Lumières précédée par le journal Horizons, lui ont offert un moment de gratitude, long de reconnaissance, en son absence, trop malade pour se déplacer. Et dans son large appartement, en cette année-là, elle tend ces confidences avares modestement ornées d’une assiette de makrouts, pétris de ses propres mains. «Ceci est pour ne pas repartir les mains vides », s’est-elle excusée alors dans un sourire large comme ça. En s’effaçant gentiment comme dans un dernier salut de planches, elle préfère ne pas se mettre plus en avant.
Pourtant, c’est aux côtés de son compagnon de toujours Mahieddine Bachtarzi qui lui a souvent donné la réplique que cette comédienne s’est forgée d’elle-même. Volontaire et déterminée à faire constamment plus et mieux. Une dame qui a été la première sinon l’unique à monter sur les marches du prestigieux festival de Cannes aux côtés du réalisateur primé Mohamed Lakhdar Hamina qui a eu à la diriger dans «Chroniques des années de braise», c’était déjà en 1975.
«Le vent des Aurès » du même réalisateur a confirmé cette suprématie. Naturellement encore et toujours, Keltoum a bien réagi aussi dans la peau de ses personnages faits sur mesure pour elle. Que cela soit derrière la caméra que face au public. Elle a su si bien mener la cadence dans tous les drames, tragédies auxquels elle a été mêlée, qu’elle en a eu toujours le dernier mot, dans ce jeu fictif, auquel elle se prend, le donnant pour vrai. Pour réel.
LA DERNIÈRE PIÈCE
Face à Rouiched, qu’elle a pu «mater», elle a fait le bonheur de ce grand artiste, en affrontant son humour en s’y trempant elle aussi dans «Hassen Terro», «Ah, ya Hassen»… et d’autres partenaires, y compris au théâtre, là où elle a formé sur scène même de jeunes talents déjà bien affirmés, comme Sid Ahmed Agoumi, son fils dans «Rose rouge pour moi». Et beaucoup plus tard, en cette dernière apparition qui a marqué les esprits dans «La maison de Bernada Alba » montée par Allel El Mouhib…
Un très bel itinéraire coupé court en cette «funeste année» 1987, pour la comédienne qui en sort choquée de se voir signifier ce départ à la retraite auquel elle ne s’attendait point. Même si elle répond aux sollicitations de Rouiched qui la veut sa partenaire au cinéma.
Elle renoue pour la postérité avec ses premières amours de jeunesse, par une halte cinématographique en 1991 à travers «Les concierges», jouée en duo au théâtre, avec laquelle ils embrassent un succès par une série de représentations qui durent 15 jours au Théâtre Gymnase de la Bonne nouvelle, à Paris. Et c’est ce même théâtre, auquel elle a été enlevée prématurément puisqu’elle avait réagi à l’époque en répliquant être encore dans la force de sa donation, se sentant capable de se produire comme jamais, qui a recueilli, en cet après-midi de vendredi saint, son corps qui a si souvent soulevé la poussière sur ces planches. Comme une gratification du ciel que cette disparition un tel jour béni de Dieu et des hommes, dans des adieux ultimes. Des adieux qu’elle aurait voulus autres. Ainsi était Aïcha Adjouri. Ainsi était Keltoum.
Un très bel itinéraire coupé court en cette «funeste année» 1987, pour la comédienne qui en sort choquée de se voir signifier ce départ à la retraite auquel elle ne s’attendait point. Même si elle répond aux sollicitations de Rouiched qui la veut sa partenaire au cinéma.
Elle renoue pour la postérité avec ses premières amours de jeunesse, par une halte cinématographique en 1991 à travers «Les concierges», jouée en duo au théâtre, avec laquelle ils embrassent un succès par une série de représentations qui durent 15 jours au Théâtre Gymnase de la Bonne nouvelle, à Paris. Et c’est ce même théâtre, auquel elle a été enlevée prématurément puisqu’elle avait réagi à l’époque en répliquant être encore dans la force de sa donation, se sentant capable de se produire comme jamais, qui a recueilli, en cet après-midi de vendredi saint, son corps qui a si souvent soulevé la poussière sur ces planches. Comme une gratification du ciel que cette disparition un tel jour béni de Dieu et des hommes, dans des adieux ultimes. Des adieux qu’elle aurait voulus autres. Ainsi était Aïcha Adjouri. Ainsi était Keltoum.
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