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Paris, 17 octobre 1961 : La révolte de la 7e wilaya

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L’Algérie a toujours célébré la journée du 17 Octobre en signe de reconnaissance au rôle joué par l’émigration en Europe mais essentiellement en France où elle était concentrée. Certes, l’Emir Khaled avait initié quelques années auparavant à Alger une action de revendications. L’élite «indigène» rêvait d’intégration mais le premier mouvement de revendication de l’Indépendance algérienne est né dans les milieux de l’émigration ouvrière en 1926. Les historiens ont toujours souligné la proximité de l’Etoile nord africaine avec les communistes avant qu’elle ne s’en détache en 1933. Messali Hadj était manœuvre dans les usines Renault à Billancourt. Comme beaucoup de dirigeants et de militants, il avait une culture syndicale nourrie à la culture ouvrière et marxiste alors en vogue.
L’émigration algérienne constituée alors d’hommes déracinés avait l’oreille tendue vers le pays natal qu’elle cherchait à délivrer des serres du colonialisme. Certes, le PPA né en 1937 après l’interdiction de l’ENA s’est recentré sur Alger mais la lutte n’a jamais faibli sur le sol français. Une arrière-cour stratégique en somme ou malgré l’exploitation et l’exclusion dont il faisait l’objet, le prolétariat algérien arrivait à s’organiser et à porter haut les revendications nationalistes.
Cet apport déterminant de l’émigration traduisait en premier lieu un attachement ombilical au pays. Des artistes à l’instar d’Akli Yahiatene, de Ahmed Wahbi ou de Ahcene Mezani offriront des chants patriotiques émouvants sur l’amour de la Patrie. La Fédération de France du FLN sera considérée pour reprendre le titre du livre documenté d’un de ses dirigeants, en l’occurrence Ali Haroun comme la «7e wilaya». Cette dernière ne sera pas confinée au seul rôle de pourvoyeur de ressources financières mais ouvrira un front pour entreprendre des actions armées sur le sol même de l’ennemi. Le sabotage en août 1958 des dépôts de stockage de pétrole de Mourepiane près de Marseille donnera le coup de signal à d’autres actions qui auront pour effet de secouer la torpeur de l’opinion française. Alors qu’on cherchait à étouffer la voix des révolutionnaires en Algérie par un surcroît de répression sauvage, la Fédération de France et les porteurs de valises, ces Français qui ont honoré les valeurs de la République ont desserré l’étau. La France a toujours été un espace de revendications et de lutte. L’UGEMA est née à Paris, le FLN a imposé sa suprématie sur le MNA dans les villes de France. Mais, sans nul doute, les manifestations pacifiques en plein Paris de familles algériennes en octobre 1961 ont prouvé avec éclat l’attachement des Algériens à leur indépendance et à leur liberté.
La répression sauvage menée par le tristement célèbre Maurice Papon alors préfet de police a dévoilé devant l’opinion mondiale le visage hideux du colonialisme. La bataille de Paris pour reprendre le titre du livre d’ Einaudi avait autant sinon plus d’écho que les embuscades des Moudjahiddine. Survenant moins d’une année après les grandioses manifestations d’Alger, ces événements sont un jalon de la marche de l’Algérie vers son indépendance. L’opinion française et mondiale ne pouvait se prévaloir d’une ignorance ou d’une indifférence pour une cause juste.
Longtemps escamotés en France comme tous les faits liés à la conduite indigne et déshonorante de l’armée et de la police coloniales, les événements ont fini par ressurgir . Les enfants d’émigrés en quête de repères, de raisons d’ancrage et de fierté ont ouvert la voie. Le travail des historiens a ensuite dessillé les yeux d’une opinion amnésique. Ils ont surtout réhabilité avec éclat la mémoire de 200 victimes tués et noyés dans la capitale de la liberté et de l’égalité.
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