La mort n’a pas voulu de lui : Kachebi Hocine, un «chahid» vivant
C’est un «chahid» vivant. Si Hocine Kachebi savait très bien que l’opération de destruction et de sabotage du dépôt de carburant de Rouen, utilisé par l’armée française, n’offrait aucune chance aux fidayines de sortir et se retirer dans la mesure où cet édifice stratégique était protégé par un mur très haut avec un poste de garde et des projecteurs balayant l’intérieur d’une lumière forte. Le fidaï Kachebi Hocine natif du village «Tassafite» commune de la Soummam, manœuvre de profession, était membre de l’Organisation spéciale de la fédération de France du FLN.
Lorsque le CCE a décidé de porter la guerre sur le territoire français après la chute de la quatrième république, Hocine venait de souffler sa vingt-troisième bougie avec la conviction profonde que mourir pour la liberté et offrir son sang pour l’Algérie indépendante était plus qu’un devoir, un bonheur. Le commando de Si Hocine composé de six moudjahidine avait en cette matinée du 28 août 1958 la mission de détruire à l’explosif les trois réservoirs d’essence. Après un repérage minutieux, Hocine Kachebi a demandé à ses frères de se retirer tout en expliquant qu’il pouvait escalader seul les réservoirs sans se faire repérer, placer les bombes et déclencher la déflagration.
Devant leur refus, Si Hocine leur réexpliqua qu’il était absurde de mettre six personnes en danger lorsqu’une seule pouvait s’acquitter de la tâche. Les membres du commando se retirèrent alors et si Hocine s’engaga en se cachant dans l’ombre des réservoirs au passage de la lumière des projecteurs. Un fidaï de Bordj Bou-Arréridj le suivit et refusa de se retirer malgré l’insistance du brave Kachebi.
Ce dernier escalada les trois réservoirs et y attacha les bombes. Mais lorsqu’il actionna la troisième, elle explosa presque dans sa main. La déflagration le renversa par terre le corps brûlé. Le blessé demanda alors à son accompagnateur de se retirer et de le laisser mourir. Mais celui-ci le transporta sur son dos et le fit sortir. Il le déposa dans un chantier et se retira lorsque les forces de police encerclèrent le lieu sans pour autant déclencher l’assaut car ils voyaient Si Hocine immobile mais tenant fermement une arme. D’une voix très basse, Ammi Hocine raconta avec l’humilité des grands cette journée du 28 août 1958 et les longues années de prison et d’hospitalisation. Durant les interrogatoires dans la prison de Rouen, Si Hocine prit tout sur lui y compris quand les policiers trouvèrent en sa possession un deuxième pistolet qui a servi à exécuter un policier. Ce qui le menaçait de la peine de mort. Mais dans l’infirmerie de la prison où il était soigné, j’ai vu dans mon rêve une «apparition» : un vieux barbu habillé en burnous qui lui conseilla de revenir sur sa déclaration concernant le deuxième pistolet. Il avoua aux enquêteurs français que l’arme lui a été envoyée par le président Ferhat Abbas.
Le moudjahid qui a ébranlé Rouen a été défendu par Maître Ben Abdallah et Maître Vergès. Le tribunal permanent des forces armées de Lille a prononcé le 19 février 1960 contre le fidaï Kachebi Hocine la peine «de travaux forcés à perpétuité» sous le chef d’inculpation de «destruction et détérioration volontaires de constructions susceptibles d’être employées pour la défense nationale». Libéré après l’indépendance, Si Hocine rentra en Algérie où il occupa des postes modestes.
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