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Parfum d’Aïd à Paris : Les senteurs du bled

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Le signe ne trompe pas. Il y a ces jours-ci une affluence inhabituelle chez les compagnies aériennes qui assurent les dessertes sur Alger et les autres villes. Beaucoup d’Algériens tiennent à venir passer l’Aïd au «bled» comme ils aiment à le dire.

C’est le cas de cette femme originaire de Bab El-Oued qui habite dans la capitale française et qui trouve que «ce jour-là a plus de saveur en Algérie où tout le monde communie dans le même esprit de fraternité alors qu’en France le Ramadhan ne concerne qu’une partie de la population qui montre soit de l’indifférence voire un mépris à peine dissimulé».
Pour autant, ceux qui ne peuvent pas venir vivre ce jour, pareil à nul autre, tenteront de recréer dans les foyers où les associations une ambiance typiquement algérienne. Les radios communautaires comme Beur FM, France Maghreb ou Radio Berbère diffusent les dédicaces des auditeurs, des émissions conviviales autour d’artistes ou de familles dans les studios. «Nous élaborons comme toujours pour l’occasion, explique M. Nacer Kettane, le directeur de la première chaîne, des émissions qui tentent de recréer l’esprit de cette fête qui est avant tout un moment de retrouvailles et de joie».
Dans les banlieues, surtout où se concentrent une forte communauté maghrébine et d’Afrique noire, l’Aïd ou Tabaské comme disent les musulmans d’Afrique subsaharienne, on tient à faire la prière ensemble, avant de se congratuler.
Farid Menguelti co-gérant d’une société de déménagement vit avec sa famille à Créteil à une quinzaine de kilomètres au sud de Paris. Il profite de ce jour-là pour rendre visite à sa sœur, à son frère et à d’autres proches. Il reçoit également autour d’une table de gâteaux. Sans oublier la halte de la mosquée de la ville, un bel édifice inauguré depuis peu. Les pouvoirs publics français à l’échelle locale ou municipale multiplient les signes de respect pour la communauté musulmane. «Il fallait que celle-ci divorce avec l’islam des caves pour sortir avec une religion qui prône les valeurs de respect de l’autre»,  assure le chargé des Relations publiques à la mosquée de Paris.
Les scènes de salutations de l’Aïd sont à mille lieux des cliches galvaudés sur une religion prétendument violente. La mosquée de Paris et celles d’autres villes seront ce jour-là le lieu de rencontres des musulmans de tout âge et de nationalité pour la prière qui prend une dimension symbolique. «Tôt ou tard, affirme Arezki, psychiatre qui milite dans une association,  les musulmans finiront par demander que l’Aïd soit jour férié comme Noël».
Déjà, dans des quartiers à forte densité musulmane, sans encourir le moindre avertissement, des enfants ne se rendent pas en classe le premier jour de l’Aïd. Les employeurs font dans beaucoup de cas d’une même tolérance. Si un arrêté préfectoral interdit l’immolation des bêtes sur la voie publique en réservant des abattoirs mobiles à cet effet, beaucoup d’habitants ne dérogent pas au rite du sacrifice.
TOUT POUR LE HALLAL
Les abattoirs temporaires sont à Coulommiers (77), à Élancourt (78), à l’Aire des Vents de La Courneuve (93) et au MGDP de Champigny-sur-Marne (94)  et pérennes à Jossigny, Meaux,  Montereau (dans le 77), Ézanville et Ableiges (dans le 95). Ils fonctionneront et pourront accueillir des animaux pour l’Aïd celébré ce mardi. Le prix du mouton, qui pèsera entre 16 et 23 kg après abattage, est compris entre 230 et 260 €.
Les bouchers redoublent d’offres au point qu’à l’avenue de Flandre dans le XIXe arrondissement, un boucher marocain nous assure que «les commandes sont si importantes que dès jeudi soir, ceux qui voulaient se faire livrer un mouton doivent patienter jusqu’au deuxième jour». «Nous égorgeons le jour même de l’Aïd dans des endroits désignés par les autorités municipales mais à cause de l’importance de la livraison il faut patienter», indique le boucher. Il faut dire que les prix sont relativement abordables car pour 120 euros, on peut s’offrir une bête qui frôlerait les 35000 Da chez nous.
Des magasins de la Chaîne Carrefour proposent aussi des produits hallal à ceux qui veulent respecter la Sunna. D’autres familles se contentent aussi d’un bon repas ou des appels téléphoniques aux proches. Les pâtissiers font aussi de bonnes affaires. A la rue de la Roquette près de la Bastille dont les boutiques de luxe tranchent avec le cadre plus lugubre des cités d’Aubervilliers ou de la Courneuve, des boutiques et des pâtisseries, on a déjà pris commande. «On a toutes les variétés de gâteaux du pays et en moyenne nous écoulons le double», observe Sedkaoui Ahcène qui gère le «Gourmet». L’Aïd est pour lui aussi l’occasion de s’attirer une clientèle plus large française ou provenant de pays comme le Liban ou nos gâteaux ne sont pas connus.
L’Aïd fait beaucoup d’heureux. C’est un jour de générosité qui voient certains offrir même des moutons aux nécessiteux. Même les mendiantes dont la seule apparence trahit l’origine roumaine se font passer ce jour-là  pour des musulmanes. Un simple foulard autour de la tête, quelques mots est le tour joué.
«Je vois beaucoup de musulmans mettre la main à la poche ce jour-là». C’est un aspect qui ravit Marie, une éducatrice en sport d’origine bosniaque. «Cela me fascine dans une société d’individualisme au point de vouloir pousser mes parents qui ne célèbrent plus ce rite à y revenir». Un peu dans l’esprit de ces jeunes qui voient surtout dans l’Aïd un symbole d’identification. 

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