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Tamanrasset : Terre d’asile et de transit

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image• Tamanrasset est aujourd’hui, un grand chantier, «tout cela attire», nous dit un cadre de la direction du commerce qui donne le chiffre des établissements de commerce, des petites industries ouverts récemment. Il y a du travail et de la place pour tout l

Terre d’aventures, de découvertes, de passage des caravanes, des rallyes les plus illustres, Tamanrasset garde toujours cet attrait pour les profils les plus divers. Elle entretient, de ce fait, ce cachet cosmopolite qu’on lui connaît, un cachet digne des grandes villes. Ce n’est pas l’odeur du pétrole seulement qui attire les gens, ici, qu’ils soient à la recherche d’un emploi, d’un commerce à exercer ou autre. Chacun son histoire, son destin. On y trouve de toutes les régions du pays, de tout le continent africain.

«C’est le point de chute pour les populations des quarante-huit wilayas du pays en plus des ressortissants de plus de quarante pays du continent», nous dit un élu local, comme pour mieux souligner la pression qui s’exerce sur cet espace. Il n’en est rien, chacun se débrouille comme il peut pour gagner sa vie, survivre pour d’autres. La sécheresse qui sévit depuis des années au Sahel a poussé à l’exode de familles entières fuyant les conditions intenables dans leurs régions, au Mali, au Niger, au Burkina Faso. C’est pour eux, une terre d’asile. On ferme les yeux, solidarité oblige mais pour éviter une dégradation de la situation, sociale et sécuritaire, la prolifération de la criminalité, on réagit promptement. «On les reconduit jusqu’aux frontières mais finissent par se retrouver de nouveau en ville», souligne un officier de la police judiciaire. Pour la majorité, c’est un combat continu contre la détresse et peu importe si l’on arrive à bon port. «Là bas, on ne veut pas échapper à la faim uniquement mais à la mort», nous dit un Nigérien qui travaille comme serveur dans un café. Les autres trouvent des petits boulots. Au pire des cas, on se contentera bien de «la saddaka», c'est-à-dire l’aumône. La mendicité a gagné en ampleur. On les voit partout tendre la main, le visage innocent et pathétique. Ce sont des femmes et des enfants, seuls, abandonnés lâchés par un mari ou un père perdu. Des candidats à l’émigration clandestine qui n’ont plus donné signe de vie. C’est tout ce que savent dire ces enfants envoyés par leurs mamans, dans les restaurants, les cafés, les mosquées. On les reconnaît à leur parler le «haoussa», un dialecte nigérien. C’est le paradis en tous cas pour beaucoup de populations de l’Afrique subsaharienne.
L’Eldorado, ça l’est aussi pour nous nordistes. Il n’ y a pas longtemps, les jeunes venaient, ici, de gros commerçants du Nord, à l’occasion de l’Assihar, grand rendez-vous commercial annuel pour «faire des affaires, acheter des cigarettes de contrebande, des produits de l’électroménager», nous dit un gérant de pizzeria d’Alger. Mais avec l’ouverture économique des années 90, cet affairisme a perdu beaucoup de son importance. «Vous pouvez trouver tout ça aux marchés de Dubaï (Alger) au Hamiz, à El Eulma». «Cela ne justifie plus le déplacement qui coûte les yeux de la tête», explique t-il. Alors pourquoi est-on toujours tenté par ce lointain territoire ? Il paraît que le commerce de la restauration, du tabac, des cosmétiques marchent bien. Et puis, on nous chuchote que c’est «plus facile d’avoir des avantages dans le cadre de l’emploi des jeunes, des crédits…». Personne ne vous dira qu’il en a été l’heureux élu. Mais dans chaque commerce, vous allez rencontrer des têtes qui vous disent quelque chose».
Dans les autres secteurs, l’apport des régions du Nord est très apparent. Deux jeunes de Meftah semblent heureux derrière leur boutique de fast-food. «Avec mon diplôme de TS en électromécanique et un stage en entreprise, j’attends toujours de pouvoir décrocher un boulot», dira ce jeune de 21 ans. «Mieux vaut ça que le chômage qui vous ronge au nord». On travaille avec les jeunes du service national qui apprécient ce plat italien. Tamanrasset est aujourd’hui, un grand chantier, le projet d’adduction d’eau qui est piloté par les Chinois, l’entrée en production des gisements d’or à Amessmessa et à Tirek, «tout cela attire», nous dit un cadre de la direction du commerce qui donne le chiffre des établissements de commerce, des petites industries ouverts récemment. Les chiffres parlent d’eux–mêmes, il y a du travail et de la place pour tout le monde et pas seulement dans la fonction publique ou les stations services de Naftal. Les deux Syriens qui sont descendus du Nord vers le Sud pour ouvrir des petits ateliers de confection pour l’un et de pâtisserie orientale pour l’autre, nous le confirme. Ce sont, en tout, 7000 commerçants inscrits au registre de commerce, sans compter l’informel et ceux qui s’adonnent
au troc de produits aux frontières. 25 grossistes se sont installés récemment …. Les divers produits sont soutenus par l’Etat qui prend en charge les frais de transport pour les pâtes, l’huile jusqu’ au ciment pour ne pas pénaliser davantage les citoyens du Sud.
LE TROC : «DES ÉCHANGES QUI NE SERVENT PLUS NOS INTÉRÊTS»
La région a toujours vécu grâce au troc de produits dont la liste est arrêtée par le ministère du Commerce. Ceux qui l’exercent sont agrées par les services compétents. Avec l’eau qui va bientôt couler à flots à Tam, il y aurait possibilité de «traiter les fruits exotiques tels les mangues, ananas que nous échangeons avec les pays voisins», dit-on. La plupart sont jetés faute de moyens de conservation. «L’installation d’une unité de production de jus ou confiture», sera la panacée, dira un responsable du commerce. Elle aura à créer beaucoup d’emplois. Certains cadres, les «expatriés» ne sont pas d’accord avec «cette vision trop édulcorée», selon eux. Le Sud n’est pas vraiment l’Eldorado pour tous notamment les chefs de famille. Malgré des avantages, les fameuses primes et indemnités d’isolement, «la vie en famille est dure», nous dit un directeur d’un centre spécialisé. Si les enfants arrivent à s’acclimater, il faut compter avec «les prix qui sont hors de prix surtout pendant le Ramadhan, les légumes frais sont au double par rapport au Nord et des fois la qualité laisse à désirer», ajoute notre interlocuteur. Nous avons pu vérifier ces assertions au marché de la ville. Seule la viande cameline à 430 DA et bovine d’origine subsaharienne fait le bonheur de certaines bourses.
Le plus difficile à surmonter, poursuit un autre père de famille, c’est «lorsque vous avez affaire à des spécialités médicales, des radios, échographies qui n’existent pas ici à Tamanrasset». Ce dernier nous rappelle le coût d’une virée à Alger, pour juste une échographie pour sa femme. Au prix de 3000 DA, celle-ci m’est revenue finalement à près de 80.000 DA puisque le billet aller-retour est à près de 30.000 DA rien que pour une personne. Or, s’il fallait ajouter la nuit d’hôtel, le taxi hôtel – ville, «il y a de quoi virer de bord», s’exclame-t-il.

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